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Capitolo 2

 

« Jilano Cerretti, tu es un monstre et personne ne t’aimera jamais ! »

 

            Une main gracieuse aux ongles impeccablement manucurés accompagna cette affirmation solennelle en finissant sa course sur la joue du principal intéressé. La gifle retentit en un bruit sec dans l’air ambiant, se perdant dans les conversations bruyantes du restaurant. Seuls leurs proches voisins de table l’avaient entendu, et bien évidemment la propriétaire de cette main, ainsi qu’un jeune homme rouge de honte.

 

« Je sais, chérie. Mais j’ai fait ça pour ton bien. Et le sien ! », répondit Jilano en souriant malgré la claque magistrale qu'il venait de recevoir. Il se leva de sa chaise confortable, et ajouta en faisant une révérence moqueuse « Je laisse le repas à vos frais. Considérez que c’est ma rétribution pour la leçon que je viens de vous donner… »

 

            Le jeune trentenaire tourna les talons et, sans un regard de pitié derrière lui, quitta le restaurant prestigieux tout en rangeant le numéro qu'un petit serveur sexy lui avait glissé plus tôt dans la poche. On ne savait jamais, ça pouvait servir pour des besoins tout à fait naturels à satisfaire. Enfourchant sa moto, Jilano attacha son casque, enfila ses gants et démarra la seule qui se faisait chevaucher par lui sans jamais le décevoir. Le moteur gronda dans l’air étouffant de Milan, mais il se fichait bien d’avoir chaud. Après une réussite pareille, rien ne valait le plaisir de la vitesse, le plaisir quasi orgasmique que provoquait une course contre lui-même, testant les limites de sa moto, si elle en avait.

 

            Et c’est en filant sur les routes de campagne le menant à Rome qu’il repensa à sa dernière trouvaille. Il avait été particulièrement heureux de faire d’une pierre deux coups, cette fois-ci. Oh, il était toujours très fier de ses petites expériences mais celle-là il ne l’avait encore jamais faite. Et c’est ce renouveau qui lui procurait ce goût si plaisant en bouche. Après tout, c’était là l’unique source de sa satisfaction. Passagère, cette sensation de ressentir un peu de joie au-delà du pouvoir dont il se savait pourvu, était ce pourquoi il se levait le matin. Rien d’autre ne comptait.

 

            Il y a bien six mois de cela, il avait croisé Cassidi Velasco par hasard. La demoiselle occupait simplement la ruelle qu’il venait d’emprunter pour rentrer chez lui, la clope au bec, la démarche traînante. Et elle l’occupait bien, en pleine activité buccale avec un homme bien plus vieux qu’elle, quoique ayant un certain charme. Jilano, pas gêné pour un sou, s’apprêtait à passer auprès d’eux, sans plus s’offusquer ou s’embarrasser d’excuses. Ils étaient dans la rue, donc un endroit public. Ils faisaient bien ce qu’ils voulaient il n’en avait que faire. Mais au moment où il allait les dépasser, la jeune femme repoussa violemment son compagnon en s’exclamant fortement :

 

« Lâchez-moi, je ne vous permets pas ! Espèce de détraqué ! »

 

            Puis la demoiselle prit un air offusqué et apeuré pour se réfugier derrière Jilano, implorant sa protection et arguant que l’homme qui l’accompagnait tentait de la violer. Jil avait souri, car il était évident, au visage affiché par la jeune femme, qu’elle mentait. Elle jouait donc la comédie, et étant d’un naturel curieux il décida d’entrer dans son jeu, en prenant sa défense face à un pauvre bougre qui tentait de justifier comme il le pouvait sa présence en ces lieux, assurant qu’il n’avait jamais eu de telles pensées en tête. Mais contre deux personnes, et avec la silhouette inquiétante du nouveau venu, la pauvre victime prit la fuite sans demander son reste, préférant sans doute être traitée de pervers plutôt que devoir se justifier au poste de police avec deux témoins n’ayant, à priori, aucune raison de mentir.

 

« Merci bien… » commença la jeune femme qu’il avait aidée, non pas pour lui rendre service mais pour comprendre la raison de son attitude.

- Jilano. Et on va dire que si vous m’accordez un verre en votre compagnie, nous serons         quittes » répondit Jil avec un sourire charmeur. »

 

            Elle accepta de le suivre dans un bar tranquille sans trop rechigner, juste en se faisant un peu désirer pour qu’il insiste. Ce que Jilano fit sans hésiter. Il n’avait que faire de rentrer dans son jeu de demoiselle précieuse mais elle avait éveillé sa curiosité en un instant seulement. Sous les néons un peu faiblards de leur table du soir, Jilano eut tout le loisir de la détailler. Sa peau, qu’elle avait plutôt mate, se rapprochant ainsi du bronzage permanent qu’il semblait lui-même avoir. Une chair aux reflets bruns, ambrés ou sombres, qui dessinait des reliefs tantôt clairs, tantôt fades. C’était la première chose qui attirait le regard chez elle, avec ce corps longiligne mais pas décharné. La demoiselle était gracile mais surtout musclée. On voyait courir sous sa peau l’énergie qui l’habitait, le débordement qu’elle menaçait de libérer. Chacun de ses mouvements était précis, calculé. Tout aussi vif que son regard, acéré et rieur.

 

            Et étrangement, un peu comme le sien. Elle s’appelait Cassidi, et avec sa cascade de cheveux bruns elle attirait l’œil dans le bar, bien que Jilano n’en ait que faire. Ses lèvres étaient fines, soulignées d’un rouge pétant pour les élargir et les rendre sensuelles, ses seins étaient ronds et fermes, tout autant que sa taille était marquée. C’était une belle femme, au verbe facile et aux expressions fascinantes.

 

            Jilano prit un virage serré, contractant ses cuisses pour tenir sa moto alors que son pied frôlait la route. Il sourit sous son casque, ou plutôt ricana. La première image qu’il avait eue de Cassidi était décidément la meilleure. Une espèce à part, avec ses gros talons épais et son short aussi rouge que ses lèvres. Son soutien-gorge apparent exprimait à lui seule la chaleur italienne, dont elle ne semblait pourtant pas souffrir. Ce n’était d’ailleurs que par pure coquetterie qu’elle avait relevé sa tignasse lourde en un chignon désordonné, laissant apercevoir sa nuque nue, véritable appel aux regards indécents posés sur elle.

 

            Elle n’avait pas froid aux yeux, Cassidi. Elle s’était laissée porter par le rythme de la musique latino qui avait envahi le bar ce soir-là, exhibant d'hypnotisants mouvements de hanches. Elle se fichait bien des regards, Cassidi, en buvant aussi facilement qu’un homme. Elle n’avait tout simplement pas peur de vivre.

 

« Pourquoi avoir changé d’avis, tout à l’heure ? » demanda Jilano de but en blanc.

- Il m’ennuyait. Tu avais l’air amusant, c’est tout, répondit la jeune femme, sans douter un seul instant du moment auquel son interlocuteur faisait référence.

- Ah oui, c’est tout ?... constata Jilano en haussant un sourcil appréciateur.

- Et toi au juste, qu’est-ce qui t’a pris de m’aider alors que tu n’en avais sûrement rien à faire de moi, étant donné que tu ne m’as pas crue une seconde ? questionna-t-elle entre deux shots d’alcool que Jilano payait sans se lasser.

- Tu m’intriguais. Fin de l’histoire » conclut-il avant de changer de sujet. 

 

            Au fur et à mesure que les heures passaient, Cassidi se dévoilait. L’agent du GDP apprit ainsi que l’année précédente encore, la jeune femme se donnait en spectacle sur les plus belles scènes en tant que danseuse étoile. Le Lac des Cygnes et Casse-Noisette n’avaient plus de secret pour elle. Cassidi dansait merveilleusement bien et puis, du jour au lendemain, elle avait tout quitté pour un tour du monde qui lui avait offert ce joli teint halé dont elle ne se séparait plus. Depuis son retour, elle allait là où la chance la portait, profitant des hommes pour dormir confortablement, se faire payer des vêtements et des nuits d’hôtel. Elle n’acceptait pas d'argent, mais vivait d’un bras à un autre, s’amusant de tout et découvrant le plaisir d’abandonner toutes les contraintes et les interdictions.

 

            On aurait dit, aux yeux de Jilano, une petite fille qui découvre l’adolescence. Pourtant Cassidi avait déjà écrasé sa majorité depuis six ans mais, avec son grand discours qui consistait à vouloir rester libre, Jil ne pouvait la voir autrement. Cela dit, elle l’amusait. Le temps d’un soir, Cassidi avait été une distraction intéressante. Après des heures passées à bavasser sur sa vie de star du ballet, Jilano l’avait laissée sur le bord du trottoir avec une liasse de billets pour lui laisser la chance de dormir au chaud ce soir-là.

 

« C’est tout ? Tu ne m’emmènes pas dans un hôtel ou chez toi ?  demanda-t-elle, surprise.

- Pour quoi faire ? Coucher avec toi et te voir me faire des yeux doux qui ne veulent rien dire ? Non merci, très peu pour moi ! Tu aurais alors beaucoup moins d’intérêt, Cassidi, répondit Jil en allumant une énième cigarette, se laissant envelopper par la fumée bienfaitrice qui lui remplissait les poumons.

- Dommage, avec toi ça aurait été différent », confessa Cassidi en frôlant son bras de ses doigts fins. Ce sur quoi Jilano rigola avant de s’éloigner définitivement.

 

            Jilano accéléra sur le tronçon de route droite que lui offrait le paysage. Il ne l’avait pas revue jusqu’à ce jour, il y avait deux mois de cela. Elle avait bien changé, la gamine qui se pavanait en parlant de liberté. Si elle était toujours aussi belle physiquement parlant, Jilano avait eu du mal à la reconnaître. Au détour d’une mission, il avait dû questionner les habitants d’un quartier huppé de la ville, là où siégeait la bonne société milanaise. C’est avec une morosité ou l’ennui perçait qu’il déballa son petit discours, malheureusement essentiel à la poursuite de son objectif.

 

« Bonjour Madame, je suis inspecteur à la Police nationale. Je me permets de vous déranger afin de vous poser quelques questions sur les événements survenus la nuit dernière. Si vous voulez bien… »

 

             Il n’eut pas le temps de finir que ladite Madame le coupait en s’écriant son prénom. Etonné, Jilano releva le visage vers celle qui paraissait le connaître, pour identifier les yeux brillants d’une Cassidi au teint bien plus pâle, tout bronzage ayant, semble-t-il, disparu. Elle paraissait tellement fade, si peu rayonnante, avec sa petite robe bien comme il faut. Mais c’était bien elle, au demeurant. Il aurait reconnu sa bouille exaltée et joueuse partout… Mais ça, c'était avant.

 

           Parce que la jeune femme ne paraissait pas du tout dans les mêmes dispositions que quelques mois plus tôt. Elle le fit entrer malgré tout, l'invitant à se mettre à l’aise. Il eut envie de ricaner et de lui rappeler qui il était, et que se "mettre à l’aise" dans un salon qui paraissait sorti d’un magazine n’était pas vraiment dans ses cordes. Après quelques mondanités et politesses que Jilano envoya au loin d’un geste agacé de la main, elle s’assit en face de lui et laissa libre cours à un flot de paroles, toujours aussi impressionnant.

 

« Tu ne devineras jamais. Je me suis posée, je suis fiancée maintenant. Hugues est français, il a repris une entreprise ici à Milan et après quelques jours à se fréquenter, on a démarré une vraie relation. » Cassidi souriait et d'un geste de la main qui désignait largement tout ce qui l'entourait, elle conclu « Ici c’est chez moi maintenant. Je suis sage et je vais me marier le mois prochain. C’est le grand amour ! »

 

            Jilano la regarda longuement, en silence d’abord, puis avec un de ses sourires charmeurs. Il n’y croyait tellement pas. Les gens ne changeaient pas, et sûrement pas aussi facilement. Il y alla donc de son petit commentaire sarcastique :

« Je vois. Donc tu n’as plus du tout envie de coucher avec moi, de t’évader un peu tous les jours. Tu es parfaitement heureuse avec… Avec Machin, et lui l’est tout autant avec toi. Un beau petit couple parfait ! »

 

« Oui, c’est bizarre hein ! » renchérit Cassidi en remettant sa robe en place.

 

            Faisant une halte à mi-parcours de Rome pour se vider une bouteille d’eau sur la tête, il savoura ces quelques secondes rafraîchissantes avant de renifler de dégoût au souvenir de ce geste. Il avait détesté ce qu’elle était devenue. Cassidi version ménagère modèle ne lui plaisait pas. Non pas qu’il tienne à elle d’une manière ou d’une autre, loin de là, mais au moins elle était intéressante. Elle avait retenu son attention en vivant comme bon lui semblait, en trompant les autres et en se moquant des conséquences de ses actes. La perfection et l’ennui ne lui allaient pas du tout.

 

            C’est ce que s’était dit le Jilano assis dans ce salon parfait, en face d’une inconnue qui avait pris la place de quelqu’un qui avait eu auparavant le culot d’assumer qui elle était. Jil n’appréciait personne, mais il avait une fascination pour ceux qui vivaient, entiers, comme ils l’entendaient. Et cette petite Cassidi ennuyeuse lui avait subitement donné envie de la tacher, de la briser. De jouer avec elle, de la voir devenir boule de laine entre les pattes du chat qu’il était, elle qui auparavant se moquait de toutes les souris qui pointaient le bout de leur nez.

 

            C’est pour cette raison que ce jour-là, il ne dit rien, ne s’étouffa pas devant tant de ridicule, ne laissa rien paraître. Mais Jilano comptait bien s’amuser un peu. Et il revint, donc. Cassidi le fit passer pour un ami de longue date, sans oser s’avouer pourquoi elle était heureuse de le retrouver dans sa vie. Elle niait en bloc l’attirance qu’elle avait développée pour Jilano et surtout pour son souvenir. Mais au fond d’elle, Cassidi savait bien que cet homme croisé un jour par hasard continuait de la suivre dans ses rêves, sauf qu'elle était persuadée de parvenir à jouer son rôle jusqu’au bout, cette fois.

 

            Autrement dit, hors de question de flancher. Elle comptait bien se marier à Hugues et devenir une riche maîtresse de maison, à l’abri du besoin pour les cinquante années à venir. Un petit rêve qui avait germé au contact de ce riche PDG rencontré dans une soirée mondaine. Elle pensait venir à bout de Jilano, de son souvenir. C’était sans compter les intentions du trentenaire aux cheveux verts. Il n’avait définitivement pas pour projet de la laisser s’en tirer à si bon compte. Il comprenait que le commun des mortels puisse désirer prendre ce genre d'engagement convenu, bien qu'à ses yeux stupide, mais Cassidi avait paru briller l’espace d’une soirée et il ne la laisserait pas s’échapper par la morne porte de la facilité. Elle assumerait l’intérêt suscité chez lui, de gré ou de force.

 

            Et c’est ainsi que, durant un mois, Jilano travailla sans relâche. Il s’employa à séduire Cassidi comme jamais on ne lui avait fait la cour, elle habituée des flagorneries de tous ces mâles en chaleur. Lui, la faisait tourner en bourrique. Il était présent, mais pas trop. Proche, sans jamais l'être assez. Entreprenant, à peine. Il se montrait accessible, de prime abord, pour mieux se dérober l'instant d'après. Et le fantasme, la frustration faisaient le reste sans que Jilano ait besoin de fournir beaucoup d’efforts. Elle crevait peu à peu d’envie de le toucher, de l’avoir. Lui qui s’était refusé à elle il y avait quelques mois. Lui qui avait alimenté des souvenirs chéris mais secrets. Cassidi avait longtemps eu des nuits agitées, en imaginant plusieurs situations impliquant la tignasse verte et son propriétaire la prenant avec avidité. Et elle s’y offrait. Finalement, un soir, au bout de deux semaines d’intensives approches, Cassidi plia.

 

« Bon d’accord, je ne suis peut-être pas amoureuse d’Hugues. Mais c’est confortable, Jil ; et c’est à cette phrase que ce dernier sut qu’il avait gagné.

- Souviens-toi comme tu étais il y a quelques mois. On peut reprendre là où on s’était arrêtés » proposa Jilano avec les yeux brillants d’un intense plaisir que la jeune fille interpréta comme de l’envie.

 

            Elle se garda bien de lui faire remarquer qu’ils ne s’étaient arrêtés nulle part puisqu’il avait remarquablement rejeté ses avances. Elle ne voulait pas tout gâcher, et ce soir-là ils firent l’amour dans le lit que Cassidi partageait d’ordinaire avec son fiancé, en déplacement pour quelques jours. Il la fit jouir un nombre conséquent de fois, la laissant épuisée et endolorie au matin. Avec la promesse de n’en rien dire à son mari. A ce moment-là, Jilano avait, comme un gosse, croisé les doigts dans son dos. Mensonge éhonté qu’il faisait sans la moindre culpabilité.

 

            Une semaine plus tard, c’est la deuxième phase de son plan qui s’enclenchait. L’agent du GDP se targuait d’être irrésistible quand il voulait l’être, et ce, que ce soit pour une femme ou pour un homme. Hugues avait été un peu plus difficile à avoir, cependant. De belle condition et fier de nature, il n’était pas du genre à se laisser aller. L’approche avait été sensiblement différente d’avec sa fiancée, et là Jil y était allé tout en virilité, en force. Il ne lui avait pas vraiment laissé le choix, le faisant immédiatement décoller de plaisir. Un peu trop facilement pour un homme qui prétextait n’avoir jamais connu ce type d’expérience, d’ailleurs. Son corps avait frémi puis tremblé sous ses mains expertes, le gentilhomme respectable criant son nom plusieurs fois, avec honte pour sa future femme, pour son rang et pour ses habitudes.

 

« Tellement facile que c’en était presque ennuyeux, murmura Jilano.

- Pardon, tu disais ? » le relança Cassidi, assise en face de lui, attentive. Jilano haussa les épaules dans un sourire d’excuse, comme si ça n’avait aucune importance.

 

           Un mois après ses deux victoires coup sur coup et à la veille du mariage de ses deux victimes, il les avait invitées au restaurant. Jouant l’ami de confiance, il s’apprêtait à les féliciter et à leur prodiguer ses conseils. Cassidi était déjà là, à piailler et à lui faire les yeux doux, espérant réitérer leur petite expérience même après son mariage. Jilano quant à lui se réjouissait de la conclusion imminente… Qui fut mise en œuvre avec l’arrivée d'Hugues à leur table. Se levant, il se pencha pour le serrer rapidement dans ses bras, avant de leur adresser un sourire rayonnant.

 

« Hugues, j’ai sauté ta future femme quelques jours à peine après nos retrouvailles. Elle ne t’épouse que pour ton fric et m’a déjà demandé de recommencer. »

 

Sourire. Pause.

 

« Cassidi, tu n’es vraiment qu’une imbécile pour être devenue ce que tu es. Tu ne mérites vraiment rien d’autre que ce qui t’arrive. Oh ! Et, en passant, j’ai baisé ton mari toute une nuit, histoire qu’il ne se sente pas le seul à être cocu. Tu vois, je suis généreux et je m’amuse, moi ! Toi, tu n'es qu'une conne inintéressante. »

 

            Le jeune homme aux cheveux verts partit d’un éclat de rire incontrôlable devant le visage dépité des deux soi-disant amoureux. Voilà. Il avait brisé ce qui n’était que mensonge et parodie. Il adorait la nature humaine pour cela, pour pouvoir la révéler réellement.

 

« Vous voyez, au final on veut tous la même chose. Coucher, prendre son pied, et sans promesses. Alors le mariage, laissez-moi rire ! Entre Coincé du Cul qui ira aux putes dans trois ou quatre ans et Bobonne qui se tapera tous les voisins pour essayer de retrouver une liberté à jamais perdue, ce n’est qu’une immense blague. Alors amusez-vous bien maintenant !

 

            Jilano récolta sa gifle à peu près à ce moment-là. L'affront glissa sur lui comme de l’eau sur une plume, et il laissa derrière lui le petit couple ridicule. Des mois à travailler, à manier le meilleur jouet possible pour ensuite le briser. Voilà qui lui avait fait du bien.

 

            Arrivé à Rome, Jil gara sa moto dans le quartier du Trastevere et se rendit à pied jusqu’à la place Navone. L’air frais de la nuit était plaisant, et il ne lui restait plus qu’à trouver l’hôtel où Livio était descendu pour sa dernière mission, qui se passait exceptionnellement loin de Milan. Il avait envie de lui raconter sa dernière prouesse, tout en sachant très bien que le militaire allait lui faire la morale. Mais embêter Livio était amusant, et Jilano ne cherchait que ça. S’amuser. Au moins pendant quelques minutes. Le seul inconvénient d’avoir laissé Cassidi détruite et forcée de reprendre son mode de vie dissolu   -lui rendant quelque part service- c’est qu’à présent, il lui fallait trouver un autre moyen de se distraire.

           Mais le trentenaire ne s’en faisait pas pour cela. Sitôt rentré à Milan, il découvrirait bien une énième cause perdue ridicule à aider, avant de briser d’autres illusions. Après tout, ainsi était faite la nature des humains qu’il connaissait, et lui ne faisait que se fondre dans la masse, en reproduisant une copie conforme des travers et des tares de ses congénères.

 

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