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Capitolo 4

« Paire d’as !

      - Full au valet.

      - Madame remporte la mise. »

 

           Il était vingt-deux heures et la nuit ne faisait que commencer. Valente avançait d’un pas rapide dans le lobby de la Luna d’Argente, plus souvent appelé l’Argente. Ici, c’était son casino et son univers. C’était lui qui gérait, lui qui commandait, lui qui remettait en place les imprudents qui voulaient outrepasser les règles. Règles que lui-même instaurait. Car ici ce n’était pas n’importe quel casino, on était en terrain neutre. A l’Argente, on laissait son statut, ses armes et ses rancœurs à l’entrée. Et quiconque n’obéissait pas le payait assez cher, Valente y veillait. L’ordre devait primer, c’était la condition sine qua non pour maintenir cette zone neutre. Humains, pactisants, stellas, agent du GDP, mafieux ennemis, membres du Réseau. En ce lieu rien d’autre n’existait que le jeu, les mises, les paris et le faste. Car Valente vendait du rêve dans ce casino et récoltait surtout le pactole à la fin.

 

             A l’Argente on était loin des ambiances cheap et parfois même glauques de certains casinos américains. Ici c’était le luxe, et la décoration était sensiblement la même qu’à la demeure familiale. Du bois laqué, des dorures, des moulures et des grands lustres en cristal. Les croupiers portaient des uniformes impeccables et les serveuses étaient toutes très séduisantes par leurs formes, ce que Valente le coureur appréciait particulièrement. C’était d'ailleurs pour cela qu’il les avait recrutées. Ici, pas de moquette sale et sombre mais un beau plancher clair et lumineux. Comme dans chaque casino, aucune horloge ou montre, afin d'oublier le temps pour jouer jusqu’au bout de la nuit. Evidemment, rien n’échappait aux caméras de surveillance dissimulées dans le plafond, et les vigiles, même si discrets, étaient toujours très efficaces pour gérer les esclandres. Valente avait pris soin d’engager des gens compétents, et pas seulement des humains. Certains pactisants et même stellas umana se glissaient dans sa propre garde. Plutôt pratique quand des pouvoirs indésirables venaient à être lâchés entre les murs.

 

           Le directeur du casino ne faisait pas que chapoter tout ce petit monde, il gérait aussi les magouilles que les endroits remplis d’argent occasionnaient, comme le blanchiment de certains portes monnaies bien remplis. Le casino était aussi pour Valente un endroit privilégié pour se constituer de solides moyens de pression pour les hautes sphères du pouvoir qui peuplaient la pièce. Car en plus des tables de jeu, du bar restaurant et des machines à sous, Valente fournissait des salles privées pour des plaisirs plus intimes. N’importe qui pouvait les louer contre une compensation financière. Ici tout était permis, on pouvait louer les décors, les déguisements et les accessoires qu’on voulait. Barre de lap-dance et scène étaient disponibles avec n’importe quelle musique. Mine de rien, ces salles étaient très prisées, mais surtout plus surveillées qu’on pouvait le croire... Si les caméras dans la salle principale étaient discrètes, elles n’en restaient pas moins visibles pour un œil attentif. Dans ces salles, elles étaient toujours là, mais invisibles, le but étant de garder des pièces à conviction en cas de négociation forcée. Ce qui avait déjà servi bien évidemment, et Valente adorait ça. Son père l’avait bien éduqué et il savait tirer profit des faiblesses des autres. Sûrement pour cacher les siennes aussi. En parlant des siennes, il en avait une énorme.

 

« Aya ! »

 

             L’intéressée se retourna, le regard sombre. Elle dénotait au milieu de tous ces gens riches qui fréquentaient l’Argente. Sombre était d'ailleurs ce qui caractérisait le mieux la jeune femme : cheveux, expression, pupilles, vêtements, tout était dans des nuances de noir. Une vraie croquemort, avec un katana dans le dos. Potentiellement dangereuse, elle était d’ailleurs la seule autorisée à rentrer dans le casino armée. Elle n’avait pas énormément de formes, n’avait pas les cheveux longs, ne souriait jamais et n’avait pas de jambes interminables, pourtant Valente l'aimait bien. Elle avait quelque chose qui séduisait malgré tout. Dommage qu’elle soit aussi revêche.

 

« Merci d’être venue, j’aurais besoin que tu… »

 

            Valente regarda autour de lui en souriant. Même dans son casino les murs avaient des oreilles. Il posa sa main dans le dos d’Aya, et celle-ci se dégagea immédiatement, tirant un nouveau sourire au cadet Genovese. Chat sauvage. Elle n’avait jamais accepté ni un verre ni une soirée au restaurant, pourtant elle revenait toujours quand il avait besoin d’elle pour une affaire sordide. Mine de rien, elle était sa meilleure tueuse à gage. Il faut dire qu'il payait bien, ce qui assurait ses services.

 

             Le mafieux rajusta son col. Comme tous les soirs il était sur son trente-et-un. Chemise bleue foncée et petite veste de costume noire, pantalon assorti, chaussures cirées et évidemment un chapeau à liseré blanc pour une légère touche de lumière. Valente était très séduisant. Il le savait, en jouait et en surjouait. Il avait du charme, il savait sourire, trouver les mots, les compliments et parvenait à attirer une bonne majorité de ses proies dans un lit. Elles le connaissaient de réputation ou de bouche à oreille, elles savaient à quoi s’en tenir, parfois résistaient mais souvent craquaient pour ce sourire et cette lèvre si souvent mordillée. Toutes, sauf Aya. Elle devait être fidèle à quelqu’un, ce n’était pas possible d’être aussi réticente. Ou alors elle était lesbienne, ce qui était excitant aussi en fin de compte.

 

« Dis voir Aya, tu aimes les femmes ? »

 

           La jeune femme le foudroya littéralement du regard, ce qui le fit rire aux éclats. Elle était mignonne, et lui adorait la taquiner de la sorte. Valente la fit entrer dans une salle à l'abri pour discuter tout en jetant un coup d’œil à son téléphone. Rien de très palpitant ce soir, rien ne viendrait salir sa jolie chemise au prix exorbitant. Si sa principale inquiétude faisait soupirer d'exaspération son père, il préférait paraître un peu superficiel mais être le plus classe. Et lui au moins il souriait, à l’inverse de son abruti de grand frère.

 

           Valente tira la chaise pour qu’Aya s’asseye, ce qu’elle ne fit pas, préférant rester droite comme un piquet. Qu’à cela ne tienne, il ne s’en formalisa pas et s'assit en la fixant, un sourcil relevé.

 

« Tout va bien ?

      - Tu as une mission pour moi ou bien ? »

 

              Nouveau rire.

 

« Oui oui calme toi, je ne voulais pas seulement passer du temps en ta délicieuse compagnie. »

 

           Valente s’alluma une cigarette, sa précieuse drogue, sa nicotine adorée. Il inspira et laissa la fumée envahir ses poumons jusqu’à ce qu’il l’expulse dans un soupir d’extase. Parfois, c’était mieux que le sexe.

 

« Flavio Benagli, ça te dit quelque chose ?

      - Son gang commence à prendre de l’ampleur dans les bas-fonds et il rassemble tous les drogués pour en faire un groupe plus dangereux.

      - Bingo. J’aimerais bien qu’il pourrisse au fond du caniveau, avec une belle mise en scène comme tu sais le faire.

      - Très bien. Ce soir ?

      - Tant qu’à faire oui. Valente jeta devant elle une liasse de billets en petites coupures qu’elle empocha rapidement.

      - Je te raccompa…

      - Pas besoin » le coupa-t-elle en se levant pour sortir.

 

               Valente la suivit du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse. A n’en pas douter, ce soir le boulot serait fait. Et bien fait. Dommage, elle n’aurait pas encore le temps pour un verre. Un jour peut-être y parviendrait-t-il. En sortant de la salle il entendit des éclats de voix et des vigiles se dirigèrent rapidement vers le lieu de l’altercation. Etant le dirigeant du casino, il se devait quand même de savoir ce qu’il s’y passait. Mais ça arrivait tous les jours, et il savait que ses vigiles géraient très bien ce genre de situation. Tout le monde s’écarta quand il arriva sur les lieux des éclats de voix, et Valente put y découvrir un homme angoissé, apeuré, ses jetons de casino tombant de ses bras serrés contre lui et une très jolie jeune femme, arme à la main, prête à rendre la loque qui lui faisait face plus froide qu’une nuit d’hiver. Le mafieux soupira.

 

« Le port des armes est interdit à l’Argente, c’est une bien malheureuse erreur de ne pas vous l’avoir gardée à l’entrée. »

 

               La femme sursauta et se tourna pour viser Valente.

 

« Oh oh du calme ma jolie, ici on laisse le travail et les affaires de côté. Vous êtes plutôt pas mal ça me ferait du mal de devoir vous apprendre les bonnes manières. »

 

              Tout en parlant, ses gardes du corps l’avaient déjà protégé d’une éventuelle détente mais la jeune policière, ou agent du GDP, Valente ne savait pas encore, avait déjà baissé son arme. Elle savait se rendre quand la situation était en sa défaveur. Ce qui était clairement le cas. Elle leva les bras, son arme en évidence, prête à la poser sur le sol, mais au dernier moment, elle visa brièvement pour tirer sur l’homme qui n’avait toujours pas bougé. Et le manqua car une forte poigne d’un de ses hommes de main avait dévié le tir qui avait terminé dans le plafond. Elle cria de rage et Valente fit un signe de tête pour qu’on l’emmène à l’extérieur où il pourrait lui faire passer l’envie de recommencer plus tard. Il s’éclaircit la gorge et s’adressa à l’assemblée de son casino.

 

« Tout va bien. Comme le promet la chartre de notre casino, nous sommes en zone neutre et vous y êtes à l’abri. Si jamais quelqu’un venait à briser cette règle, il serait sévèrement puni. Tout le monde peut cohabiter ici tant que les conflits se règlent à l’extérieur. J’offre le champagne ! »

 

            Une clameur de joie monta des joueurs présents alors que les serveurs s’affairaient avec bouteilles et flûtes pour satisfaire tous les clients. Valente se retira dans son bureau à l’étage pour prendre dix minutes. Il s’accouda à sa fenêtre pour regarder le ciel milanais en allumant une nouvelle cigarette. Il sourit. La lune n’était pas tout à fait blanche ce soir. Elle avait même un petit air... roux. Le GDP devait être sur les dents vu la situation, ce qui expliquait en partie le coup d’éclat de toute à l’heure. La lune était propice à l’apparition de nouveaux pactisants. Ces gens avec un vœu si cher à leur cœur, ces gens quémandant à la lune de l’exaucer. Et cette lune si rousse qui répondait, envoyant des étoiles pour réaliser ces vœux. Mais la lune est rieuse, moqueuse et elle ne fait rien sans contrepartie.

 

              La Luna Rossa fit son apparition pour la première fois en octobre 2010, préparant le monde à l’arrivée de pactisants en grand nombre. Et aujourd’hui, en 2027, L’Italie était déjà au bord de l’apocalypse. En apparence tout semblait comme d’habitude, mais de profonds changements avaient affecté la société. Le sang coulait régulièrement, la peur s’insinuait partout et le GDP, organe confidentiel du gouvernement, gardait le secret d’une main de maitre. Rares étaient les fuites sur les stellas et les pactisants, et monsieur tout le monde ne pouvait deviner que des êtres surnaturels arpentaient les rues à ses côtés. Cela pouvait être l’homme un peu bizarre à la peau colorée ou la jeune femme aux yeux étranges, cette canalisation qui explose, ce tintement étrange aux oreilles ou ce panneau bizarrement tordu. Les pouvoirs des stellas et ceux qu’ils prêtaient aux hommes étaient infinis et variés. Et interdis dans le casino. C’était pour cela qu’il avait été créé. Cette lune avait changé la face du monde et Valente se doutait que le secret ne pourrait pas être gardé pour toujours. Les forces en présence devenaient de plus en plus importantes et il n’y avait nul doute qu’une guerre finirait par éclater. Il ne savait ni où ni quand, mais elle arriverait, c’était certain.

 

            Les pactisants tout comme les stellas étaient poursuivis par le GDP, pour se faire étudier, torturer, subtiliser aux yeux du monde. Le conflit menaçait et la mafia aimait cette ambiance d’insécurité qu’elle entretenait. Elle n’avait aucun bénéfice à aider l’un ou l’autre camp, mais travaillait avec les deux de façon à obtenir la plus grosse part. Tout avait toujours fonctionné comme cela. Si le casino était un peu comme une terre d’asile pour les pactisants poursuivis, Valente n’avait jamais promis sa protection sur le parvis du casino. Des accidents à l’entrée arrivaient parfois, et cela faisait plus d’argent dans les caisses. Mais pas une fois depuis l’ouverture du casino quelqu’un n’était mort entre ses murs. La réputation était sauve et les clients affluaient de plus en plus dans ce casino de non droit.

 

               Valente souffla la fumée de sa cigarette par la fenêtre avant de jeter le mégot. L’air de Milan était pollué mais c’était chez lui. Il connaissait chaque rue, chaque zone d’influence, chaque gang et tenait même des registres des stellas, pactisants et autres agents qui franchissaient la porte de son établissement. Les informations, c’était ce qui faisait tourner le monde, pas uniquement l’argent, les menaces et les armes. La famille Genovese se devait d’avoir une base de données importante sur ses clients et ses partenaires pour ne pas être prise à dépourvu ou faire des erreurs. Le mafieux savait donc qui était dans son casino, quand et à quelle fréquence. Les enquêtes étaient également interdites. Pas d’interrogatoire, pas d’appel à témoins ou de démarchage. Le casino, ce n’était pas les rues de Milan où tout pouvait arriver. Mais cela ne voulait pas dire que ce n’était pas dangereux. Quiconque désobéissait aux règles était sévèrement puni.

 

            Ce qui serait probablement le cas de cette policière un peu trop zélée mais qui n’avait pourtant aucun pouvoir dans l’enceinte du casino des Genovese. D’ailleurs Valente se rendit compte qu’il n’était pas particulièrement pressé de lui faire passer l’envie de recommencer, aussi appela-t-il un de ses hommes pour faire le travail à sa place. La laisser en vie bien sûr, ne pas lui abimer le visage non plus, mais pour le reste il avait carte blanche. Il faisait confiance à Caio, jusque-là il ne l’avait jamais déçu. Caio ne payait pas de mine, était intelligent, pas forcément immense mais savait taper ou cela faisait mal. Il était très doué et Valente le laissait régler ce genre de problèmes les yeux fermés. Il y avait très rarement de récidive quand il s’était chargé de calmer les fauteurs de trouble.

 

          Presque comme un automatisme, une habitude bien huilée, Valente sortit une nouvelle cigarette de son paquet et son briquet que son meilleur ami lui avait offert pour mettre feu au bâton de nicotine. Il n’avait jamais fait de vœu à la lune rouge. Il ne voulait pas être esclave d’une étoile qui lui dicterait sa façon d’agir. Les stellas pouvaient être très utiles, tant qu’on n’était pas lié à eux. Depuis que son frère et lui étaient jeunes, leur père leur avait formellement interdit de formuler un vœu, muet ou non, les soirs de lune rousse. Les deux frères étaient donc au courant des conséquences depuis leur plus jeune âge, et Daniele avait longuement insisté pour ne jamais avoir de fils pactisant.

 

                 Il se doutait que son frère avait lui aussi fait attention, mais qu’en savait-il de toute façon ? Ce n’était pas comme s’ils partageaient quoi que ce soit d’autre que des insultes et du mépris. C’était leur petit jeu, celui qui arriverait à énerver le plus l’autre. Chacun avait son caractère et sa manière de prendre du recul. Cristiano lui, ne souriait jamais et n’avait guère de véritable expression autre que le mépris ou le dédain. Alors quand il arrivait à le faire pâlir de colère, c’était déjà une belle victoire pour Valente. A l’inverse, le cadet était toujours souriant, moqueur, flegmatique et à prendre du recul, mais parfois la colère et l’agacement surgissaient suite à des réflexions de son frère.

 

                Il n’arrivait plus à savoir pourquoi le conflit était à ce point permanent entre eux. Tout avait commencé dès leur plus jeune âge, où les bêtises et bagarres donnaient lieu à des incidents plus graves. Par exemple, le déclenchement de la peur du noir chez Cristiano quand Valente éteignait sa veilleuse systématiquement, ou l’appréhension du vide chez le cadet après que Cristiano l’ait trop souvent poussé de la balançoire en plein vol ou du toboggan. Et ce fut la compétition. Cristiano avait une éducation un peu différente due à son statut d’héritier, mais à l’école, en sport, pour les filles, tout était un terrain de compétitivité malsaine. Ce n’était pas pour se dépasser soi-même mais tout simplement pour écraser l’autre. Et jamais les deux frères ne furent considérés comme proches l’un de l’autre. Pas plus maintenant qu’avant, mais jamais Valente n’en fut chagriné. Il n’aimait pas son frère, celui-ci le lui rendait bien et il n’avait pas besoin de lui pour avancer. Il adorait sa vie telle qu’elle était et c’était en grande partie dû à la présence de son meilleur ami.

 

              Valente cligna des yeux en l’apercevant sur un des écrans des caméras de surveillance de son bureau et un sourire se dessina sur ses lèvres. Depuis le début de leur relation, leurs rencontres n’étaient que des immenses coïncidences. Ils durent se rendre à l’évidence, et ils commencèrent à trainer ensemble. Le temps passa et des liens de plus en plus forts se créèrent entre les deux hommes. Ils se complétaient, aimaient discuter et passer du temps ensemble. Valente lui fit rapidement confiance, et réciproquement. Il jeta une nouvelle fois sa cigarette par la fenêtre qu’il ferma avant de sortir de son bureau et de tenter de le surprendre au coin d’une allée. Il connaissait son casino par cœur, mais sa victime n’était pas facilement impressionnable. C’était lui qui impressionnait. Il se mit à marcher à côté de lui silencieusement pour tenter malgré tout de lui tirer un minuscule sursaut.

 

« Tu es là pour affaire ou c’est plus personnel ? »

 

            Ce fut finalement sans surprise que l’homme se tourna vers lui sans même avoir cillé. Valente se doutait qu’il était impossible de le surprendre mais à chaque fois il ne pouvait s’empêcher d’essayer.

 

« Officiellement affaire, officieusement personnel. »

 

              Le sourire de Valente grandit à nouveau.

 

« Soit le bienvenue à l’Argente Livio. »

 

             Le grand militaire blond lui rendit son sourire. Ça lui faisait plaisir de passer voir le propriétaire du casino le plus en vogue de Milan.

 

« Merci Val, content de te voir. Comment se passe ta soirée ?

      - Oh tu sais, la routine. Une policière trop zélée… Ne t’avise pas de faire comme elle, de l’argent, des plaintes.

      - Je vois le genre. Ne t’inquiète pas, je m’en voudrais de te pourrir ton business.

      - Je m’en voudrais de devoir te faire passer l’envie de recommencer.

      - Et je m’en voudrais que cela n’ait aucun effet sur moi. »

 

               Le visage de Valente ne s’éclairait de la sorte qu’avec Livio, Liv pour les intimes. Il souriait constamment mais avec lui c’était différent, avec lui c’était largement mieux. Livio le comprenait, l’écoutait, s’intéressait à lui et c’était réciproque. Valente l’emmena dans un des coins VIP avec fauteuils en cuir noir et champagne Dom Pérignon, en face de la scène où des filles particulièrement peu vêtues se donnaient en spectacle. Il trinqua avec son ami qui était en habits de travail.

 

« J’ai vu la lune ce soir, tes chefs doivent être sur les dents.

      - Un peu oui, mais va essayer de trouver un éventuel prochain pactisant dans Milan. C’est mission impossible. Et comme les incidents en ce début de nuit étaient bénins, j’ai décidé de voir ce qui se passait dans le lieu de débauche par excellence de la ville.

      - Tes compliments me flattent. Ici c’est un peu tendu quand même, les soirs de lune rousse ne sont pas bons pour le commerce.

      - Comme quoi. Pour moi c’est tout le contraire. »

            Les deux hommes savourèrent leur coupe de champagne en regardant d’un œil distrait les femmes devant eux et discutant de leur journée. C’était ce genre de moment que Valente appréciait plus que tout.

 

« Val ? T’as quelque chose de prévu ce soir ?

      - Mmm ? Pas spécialement, je pense que je pourrais me libérer aux alentours de minuit, une heure. Caio me contactera en cas de problème je pense.

      - On sort ? Je veux bien faire l’effort de t’attendre. »

 

            Valente se mordilla la lèvre comme pour réfléchir à une décision qu’il avait déjà prise.

 

« Vendu je te suivrais.

      - Parfait. »

 

              Deux heures plus tard, Valente avait plié le boulot et Livio vidé une bouteille de champagne. Mais ce n’était pas vraiment gênant, l’ex militaire agent du GDP avait la meilleure descente que Valente ait jamais vue. Surtout quand pour lui, trois verres étaient déjà la limite au coma éthylique. Il vérifia que la policière avait bien compris de ne pas recommencer, ce qui semblait être le cas. Il jeta un dernier coup d’œil à la grande pièce et aux salles privées. Tout semblait en ordre. Le mafieux rejoignit son ami pour l’attirer dehors.

 

« Enfin libre ! Autant la journée j’ai du temps, autant mes soirées sont bien plus compliquées à libérer. Mais pour toi je veux bien faire un effort.

      - C’est sympa de te sacrifier pour moi Val, répondit Livio en scrutant le profil de son meilleur ami, lui offrant un sourire en réponse au sien.

      - Quand tu veux tu le sais. »

 

           Oui Livio le savait. Mais au final il désirait tellement plus… Après ce qu’ils avaient fait, il se sentait en droit d’espérer plus, ou au moins quelque chose d’équivalent. Mais Valente était volage et il n’avait jamais pu rien y faire, surtout pas calmer son appétit pour les belles femmes. S’il buvait un peu trop ce soir, peut-être qu’il arriverait à l’attirer une fois de plus dans son appartement. Et plus encore.

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