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Capitolo 7

Attention ce chapitre contient des scènes à caractère sexuel. Les scènes suivantes sont homosexuelles.

                   Il n’y avait à priori aucune raison de voir Jilano arpenter la « via Magenta », de nuit. Avec sa moto au ralenti, il incarnait parfaitement le cliché du client curieux qui prend le temps avant de choisir sa marchandise. Sauf que lui n’avait pas le regard lubrique, étonnant quand on le connaissait. Non, ses yeux étaient plutôt en train de scruter ses possibles victimes. Il évaluait. En un clin d’œil, il cherchait quelque chose de différent, quelque chose de vivant.

 

            Celle-là était clairement tellement droguée qu’elle tenait à peine sur ses talons hauts. Celle-ci avait déjà plusieurs cicatrices aux poignets, et donc en avait marre de la vie. Une autre au contraire paraissait plus heureuse de faire ce métier que toutes les autres, comme si cela avait toujours été une vocation. Celui-là affichait une profonde bêtise sur ses traits amorphes, et ne devait même pas avoir assez d’ambition pour remplir une cuillère à café. Bon, les possibilités n’étaient pas très alléchantes, ce soir. Jilano avait un peu l’impression de perdre son temps. Il redémarra sa moto, et accéléra sur la fin de la rue pour la quitter, reprendre la voie rapide et rentrer chez lui, quand un visage attira son attention et le fit piler juste devant un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, qui ne broncha même pas alors que l’engin s’arrêtait à moins d’un mètre de lui.

 

« Ton nom ?  demanda Jil d’un ton incisif.

     - Clemente. 

     - Monte. »

 

            Jilano lui tendit un casque, que le jeune homme enfila sans protester. Finalement, l’agent du GDP avait enfin trouvé. Son nouveau jouet. Il n’avait même pas demandé le prix, il s’en fichait et de toute façon il connaissait les tarifs en vigueur sur cette rue, la plus connue de Milan pour ses prostitués, hommes ou femmes. Non pas qu’il y ait recours, il n’avait pas besoin de ça. Mais c’était une information qui avait toujours de l’intérêt, en plusieurs situations il s’en était déjà servi. Notamment en voyant les relevés de compte de certains de ses anciennes fréquentations. Régulièrement, une certaine somme d’argent disparaissait sans explications. Et pour faire du chantage ou s’amuser à voir paniquer quelqu’un, le commerce du sexe était un bon moyen.

 

            Pourtant, c’était une transaction comme une autre. Une vente de service contre de l’argent. Jilano n’avait jamais craché dessus, il n’en avait juste jamais eu le besoin, pas plus que ce soir. Mais ça, Clemente n’était pas supposé le savoir. Pour lui, il serait le portrait craché du cadre qui n’a pas l’envie de s’impliquer dans une relation, ni le temps de draguer dans des bars ou en boîte. Ça correspondait parfaitement, et ce même si son allure ne faisait pas trop cadre. Enfin, la dégaine en tout cas, puisque pour l’occasion Jil s’était vêtu de manière un peu plus sobre qu’à l’ordinaire. Il portait un t-shirt normal, une veste par-dessus qui mettait en valeur ses larges épaules, et un jean sombre bien taillé qui le soulignait à merveille. Si ses cheveux n’étaient pas désespérément verts, il aurait eu l’air normal. Ennuyeux.

 

            Le moteur les emmena bien vite loin du quartier du plaisir. Les lumières défilaient si vite sur les côtés que Clemente ne voyait même plus les paysages qu’il connaissait pourtant bien pour y avoir grandi. Se serrant et s’accrochant à son client du soir, le jeune homme sentait son cœur battre jusque dans ses oreilles alors qu’ils filaient à une vitesse certainement non réglementaire. Et ça le grisait. Il se sentait bien, en vie, bien plus que durant le sexe avec ses clients. Si son métier ne le répugnait pas de lui-même, il voulait en sortir. Il voulait pouvoir choisir, ne pas avoir à sucer des mecs dégueulasses qui le traînaient dans la boue. Déjà, son client du soir n’avait pas l’air trop répugnant, c’était déjà ça. Et la balade valait le détour. Quand son chauffeur prit une sortie avec un virage très serré, trop vite, il laissa un cri s’échapper dans le casque que personne à part lui n’entendit. Un vrai cri, pas une simulation idiote.

 

            Refermant ses bras autour de ce mec étrange aux cheveux verts, le gamin de vingt-deux ans qu’il était ne pensa à rien d’autre que l’adrénaline. Il avait peur, mais c’était tellement bon. Il sentait le monstre vibrer entre ses cuisses, gronder à la moindre demande de son propriétaire, défier la gravité, la vitesse, comme s’ils étaient seuls au monde. Clemente avait presque l’impression de faire l’amour à cette moto, avant de devoir baiser son conducteur. C’était à la fois une source de plaisir et de frustration. D’ordinaire il n’avait pas envie de ses clients, mais là Clem devait bien avouer que c’était le cas. Et quand il le fit descendre de moto, après des détours alambiqués qui ne les conduisirent pas si loin que ça, Clemente lui sourit.

 

« Bon, t’es du genre quoi, soumission, sadique ? Fétichiste de quelque chose ? Je suppose que t’es dessus ? 

     - Chut. »

 

            Jilano posa un doigt sur ses lèvres et sourit en l’entraînant dans une chambre d’hôtel. Décidément, ce petit avait du mordant. Mais c’est surtout son visage qui l’avait fait se décider. Son regard, qui passait bien au-dessus des limites de la via Magenta. Il regardait plus loin que tout autre agent du sexe, il aspirait à autre chose. Et les rides sur son front malgré son jeune âge, signes de sa détermination et de l’histoire qui coulait encore dans ses veines, l’interpellaient. Un corps frêle, des cheveux d’anges qui accrochaient la lumière. Il avait l’air innocent mais ses mots disaient le contraire. En d’autres termes, ce Clemente avait l’air plein de contradictions. Et donc, il était possiblement passionnant. Mais pour ça, Jilano devait explorer un peu. A partir de demain. Ce soir, il n’y avait qu’un seul intérêt qui trouverait son dénouement.

 

            Trois heures plus tard, Clemente n’avait plus rien d’un ange. Ses cheveux blonds étaient plaqués sur son front et sa nuque, trempés de sueur. Ses yeux étaient rougis à force de se fermer et de se rouvrir, ses lèvres gonflées par l’effort et tout ce qu’elles avaient subi, ses pommettes presque brûlées par la chaleur.

 

« Jilano, non… Arrête j’en peux plus. J’en peux plus. Hmmmm !

     - Si tu as encore la force de gémir, tu peux continuer. »

 

            L’agent du GDP trentenaire tira une fois de plus sur les hanches de sa distraction du soir, attirant son joli petit cul à lui, s’enfonçant encore dans son corps. Oui, il était plutôt bon, pas mauvais pour recevoir, endurant… Il méritait son salaire. Après tout, ça faisait trois heures qu’il le faisait jouir encore et encore, sans répit. Et il commençait seulement à atteindre son rythme de croisière. Mais Clemente, la tête enfoncée dans l’oreiller, la bave aux lèvres, incapable de se retenir, n’en pouvait plus. Ses gémissements, ses cris, ses glapissements s’élevaient dans la chambre. D’ordinaire il contrôlait son plaisir et s’attachait surtout à celui de son client. Mais là, Clem était incapable de faire preuve de retenue. Ce mec… Ce mec lui faisait trop de bien. Trop d’effet, aussi.

 

            Après que Clemente ait jouit pour la énième fois, Jilano se retira, soulageant son plaisir sur lui et le laissant retomber sur le matelas. Il sortit l’argent nécessaire de son portefeuille et le jeta sur le lit avant de repartir. Ils ne s’étaient pas échangé trois mots. Il ne comptait même pas le raccompagner. Première étape, l’attacher à lui. L’intriguer, le façonner. Hanter son esprit. Et cette nuit en était le moyen le plus efficace. Jilano rentra chez lui en souriant, tout heureux d’avoir trouvé un nouveau divertissement.

            Deux mois plus tard, les choses étaient toutes autres. Jil avait bien œuvré. Il avait façonné Clemente comme il l’entendait. Mais surtout, il avait confirmé son intérêt, avait fait ressortir cet éclat chez le jeune garçon. Depuis leur première nuit, il y en avait eu beaucoup d’autres. Clemente avait eu le visage qui s’était éclairé à chaque visite de Jilano, qui était venu souvent. Très souvent. En restant mystérieux, inaccessible, mais riche. Jilano lui avait fait miroiter tout ce qu’il n’avait pas. Première chose, avec la moto, la liberté. Les longues balades le grisaient toujours autant. Il en tirait une sorte de satisfaction coupable d’être payé pour s’amuser. Deuxième chose, le sexe. Avec lui c’était juste magique. Il savait où appuyer, où caresser. Comme s’il ne prêtait aucune attention à lui-même mais juste à son partenaire. Comme si… Comme si Jilano ne prenait aucun réel plaisir. Troisième chose, tout le reste. Les sorties, les discussions, les restaurants. Jil restait toujours distant, mais en même temps il prêtait beaucoup d’attention à son confort.

 

            Du côté du principal intéressé, justement… Tout se passait bien. Clemente s’était ouvert. Et l’agent du GDP avait appris pas mal de choses. Son nouveau petit pantin était orphelin, et n’avait connu que les maisons d’accueil, et depuis sa majorité la prostitution. Il l’avait fait pour s’en sortir, pour survivre. Mais ce que voulait à tout prix le jeune homme, c’était une famille. Sa famille. Jil ricana en buvant son verre de vin, ignorant la question de son interlocuteur. C’était presque étonnant que le jeune homme n’ait pas passé un pacte, vu la puissance de son vœu. Donc voilà. Toute la force du gamin face à son métier pourri s’étiolait en quelques secondes quand il parlait de sa famille. Alors que tout glissait si facilement sur lui, que vendre son corps n’était pas plus difficile que ça pour lui… Il y avait ce point sensible. Et Jilano comptait bien s’en servir.

 

            Maintenant, la grande question à poser, c’est pourquoi il faisait ça. Il y perdait plutôt de l’argent, ne retirait pas de satisfaction sexuelle particulière, n’éprouvait aucun sentiment pour ce gamin… Et là, on touchait du bout du doigt le principal problème. Jilano faisait simplement ça pour s’amuser. Parce que, sans distraction permanente, il s’emmerdait profondément. Et faire tomber les espoirs des gens, ça l’amusait. Le divertissait. Rien dans sa vie n’avait d’importance pour lui, mis à part le fait de briser les illusions stupides de ses pairs. Leurs rêves de bas étage, leurs souhaits les plus fervents ne valaient rien. La vie n’était pas clémente et il comptait bien le leur montrer. Au moins, ça les faisait vivre. Les amener devant leur plus grande envie, et la déchirer à mains nues devant eux. Voilà ce qui l’amusait, pendant quelques semaines ou mois, au mieux. Il se lassait vite, et c’est pour cela que Jilano était toujours à la recherche d’un sujet plus intéressant, plus complexe.

 

            Mais au final… Au final il y avait presque de la gentillesse dans son comportement. Même si Jilano se refusait à penser à lui-même en ces termes, c’était une réalité. Comme avec Cassidi. Il avait libéré la jeune femme de sa prison pour la rendre plus réelle, plus vivante, plus proche de ce qu’elle avait toujours voulu être. Il lui avait évité une vie d’ennui et de regrets. Clemente… Clemente était attaché à quelque chose qui l’emprisonnait et qui le motivait bien trop à continuer un métier horrible. Car s’il ne vivait que pour l’argent, c’était pour être indépendant et vivre de par lui-même, dans l’espoir d’un jour se fonder une famille facilement. Il avait oublié qu’il y a des limites à ne pas franchir, des tabous à avoir pour vivre sereinement. Et finalement, c’est avec beaucoup d’amusement qu’il comptait lui faire vivre ces limites à ne pas dépasser. Pour qu’il comprenne que tout moyen n’est pas bon pour atteindre un but. Ça lui permettrait de ne pas finir dans le caniveau à trente ans, incapable de continuer un métier où seule la jeunesse était plébiscitée.

 

« Jil ? 

     - Jilano. 

     - Oh, oui. Jilano, pardon. Tu voulais me parler de quelque chose ce soir, non ? »

 

            C’est allongé sur le ventre, seul un drap recouvrant nonchalamment ses fesses, que Clemente lui demandait ça. Jil n’avait même plus souvenir d’avoir fini son repas, quitté le restaurant, et de l’avoir emmené dans leur chambre d’hôtel pour le sauter. Est-ce qu’il avait été bon ? Jil ne saurais plus le dire. Il ne s’en souvenait plus, parce que cela n’avait pas d’importance à ses yeux. Il ricana à sa question, et se leva en enfilant son boxer puis son jean.

 

« Oui. Je vais te faire sortir de là. Tu n’auras plus à te prostituer, et avec un peu de chance tu pourras même retrouver ta famille. »

 

            Le regard de Clemente s’illumina et il se redressa immédiatement, laissant apparaitre son corps nu couvert de suçons et autres marques en tout genre. Il en avait perdu la voix, mais ses yeux lui demandaient confirmation.

 

« Oui c’est vrai. Je fais te faire rencontrer un dernier client. Tu devras faire exactement ce qu’il te dit, ne pas poser de questions. Par contre je te préviens, ça comporte quelques risques. Mais avec un peu de chance tu retrouveras ton père. Il ne reste plus que lui, mais c’est déjà ça pas vrai ? Tu es prêt à faire ça ? 

     - Jil…ano. Oh merci merci merci. J’ai bien fait de t’en parler et de te croire quand tu me disais qu’un jour ça s’arrangerait. Je suis prêt à tout ce qu’il faut, je le jure. Quand ? 

     - Demain soir. »

 

            Et c’est sur un cri de victoire et d’impatience que la conversation prit fin. Jilano déconnecta son cerveau quand Clemente commença à le noyer sous les remerciements et les louanges. Son sourire en coin aurait dû mettre la puce à l’oreille de Clemente. Jil ne souriait comme cela que quand il prévoyait de faire un mauvais coup. Livio détestait ce sourire, pourtant c’était le signe que quelqu’un allait souffrir temporairement, et qu’en contrepartie Jilano serait allé au bout de son amusement. Qu’il aurait cassé son jouet pour qu’il se reconstruise par la suite. Ce qui était sur le point d’arriver à Clemente. Ce gosse était vraiment trop naïf, à croire que la gentillesse était naturelle chez les hommes, qui plus est sur un client qui se l’était tapé en tant que pute. Jil allait se faire un plaisir de le lui faire comprendre. Il avait bien conscience qu’après, le gamin deviendrait comme ces prostituées camées ou suicidaires qui n’avaient pas retenu son attention. Avant d’être détruit, Clemente avait suscité de l’intérêt chez Jil. Puis, il finirait par s’élever en tirant une leçon de ses actes.

             Le lendemain soir, donc, Jilano menait un Clemente bien habillé vers un quadragénaire aux cheveux poivre et sel. Il avait un peu d’embonpoint, à cause de l’alcool et de la bonne nourriture, et des vêtements choisis avec soin. Il faisait sans nul doute possible partie de la petite bourgeoisie milanaise. Ses manières étaient raffinées, son allure distinguée malgré un visage qui transpirait l’envie du gamin qui venait vers lui. Il avait toujours refusé d’aller se montrer dans le quartier rouge de la ville, mais si le petit prostitué venait à lui sur un plateau, il n’allait pas dire non. Il remercierait toujours ce Jilano Cerretti de lui avoir permis de passer sans nul doute une excellente soirée. Une fois les présentations faites, Jil se permit une dernière remarque.

 

« Je vous rappelle ce que je vous ai dit à tous les deux. Ce n’est pas sans risque. »

 

            Mais l’un et l’autre ne l’écoutaient déjà plus. L’un trop assoiffé de plaisir facile, l’autre focalisé sur l’idée de retrouver une famille normale et de sortir de ce milieu. Jilano leur demanda juste de passer le voir une fois leur affaire terminée, et c’est là-dessus qu’il les laissa monter dans une chambre. Lui s’installa confortablement sur un des fauteuils en cuir du hall de l’hôtel prestigieux, choisi en fonction de la classe du client. Clemente fit bien son travail, plusieurs fois, ne pensant qu’à la suite. De toute façon cet homme ne valait pas Jilano, et le jeune homme commençait à rêver à un Jil qui le garderait avec lui après l’avoir tiré hors de ce monde. C’était un peu utopique mais possible. Il ne voulait pas arrêter de le voir.

 

            Trois orgasmes de la part de son client plus tard, Clemente l’obligea à se rhabiller rapidement pour descendre dans l’entrée, se postant fièrement devant un Jilano goguenard.

 

« C’est bon, c’est fait. Alors, en quoi est-ce que ça va m’aider à retrouver mon père ? 

     - Tu l’as devant toi, Clemente. Non, pas moi ! » ajouta t’il quand le regard clair du blond se posa sur lui.

 

            Et voir les yeux bleus se tourner vers son client du soir fut un délice. Clemente mit quelques minutes à comprendre, et seulement alors l’horreur se peignit sur ses traits, pendant que ledit client comprenait les paroles de son bienfaiteur.

 

« Vous avez voulu tout avoir, malgré vos choix de vie pitoyable. Toi, tu étais prêt à tout pour sortir du caniveau. Même à coucher avec ton propre père s’il se présentait à toi. Je t’avais averti des risques. Et toi… Tu payes maintenant ton crime de l’avoir abandonné à la naissance. Tout ça pour pouvoir encore draguer tranquille. Vous êtes tous les deux répugnants. Clemente, tu ne peux pas échapper à ton monde, celui que tu as choisi plutôt que de galérer à trouver un job honnête. Tu as préféré l’argent facile. En dépit des tabous. Joyeuses retrouvailles. »

 

            Jilano partit d’un rire franc et joyeux. Les visages dégoutés et honteux de ses deux victimes le remplissaient d’une joie sans nom. Voilà. Il venait de briser deux destins qui avaient choisi des voies faciles, et qui espéraient malgré tout s’en sortir. Illusions brisées, innocence perdue. Jilano se leva et leur envoya un baiser du bout des lèvres, toujours en riant. Il remonta sur sa moto, rangeant son deuxième casque à l’arrière de sa bécane. C’était vraiment d’avoir fait monter l’espoir de Clemente avant de le détruire qui lui procurait un tel sentiment de félicité. C’était jouissif. Rien que le souvenir de ce moment alimenterait très certainement plusieurs heures de félicité. Malheureusement, cela ne durait guère plus longtemps. Comme avec l’acte sexuel, le dénouement était le plus agréable mais le plus court. Ce vers quoi tout le monde tendait avant de vouloir recommencer. Eh bien voilà, l’orgasme de Jilano Cerretti, c’était ça. Il n’y avait pas plus excitant dans sa vie que de détruire celle des autres après avoir gagné leur confiance, voir leur amour.

 

            Une petite voix dans sa tête soufflait malgré tout un refrain bien désagréable. En s’attaquant à Clemente, n’avait-il pas tout simplement attaqué son propre père ? Après tout, à lui aussi il reprochait l’abandon et le déni. Cette victoire avait un arrière-goût de vengeance que le chien du GDP refusait d’admettre. Pourtant, il était bien là, comme l’amertume d’un pamplemousse, présent en bouche, envahissant le palais et ne laissant plus de place à l’acidité ou la douceur du fruit. Heureusement, la sonnerie de son portable le tira de cette petite note susceptible de gâcher son plaisir. Il décrocha dès les premières notes, écouta quelques instants, avant de hocher la tête.

 

« Oui. Très bien, d’accord. J’y serais. A bientôt autour d’un verre ? »

 

            En raccrochant, Jilano sourit. Cela faisait longtemps, et il lui manquait. Vivement une de ces soirées étranges passées en sa compagnie. Décidé à aller raconter à Livio ses derniers exploits, histoire que ce dernier l’engueule une fois de plus, Jilano chuchota un « Et maintenant, je fais quoi ? » qui se perdit dans la nuit.

 

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